EXPERT D'ASSURÉ A. MESSIKA (COTRANEX)

PERTES D'EXPLOITATION - COVID-19

Indemnisation et prise en charge des pertes d’exploitation dans le contexte de l’arrêt ou de la réduction d’activité d’une entreprise suite au COVID 19

I – LES DOCUMENTS NECESSAIRES A L’ETUDE

La garantie perte d’exploitation est définie dans chaque contrat d’assurance par l’actuaire ayant procédé à sa rédaction.

 

Les contrats étant reformés pluri annuellement par les compagnies d’assurance.

 

Une même assurance pourra donc proposer des garanties et des clauses distinctes évoluant avec le temps.

 

Clauses qu’il conviendra donc d’étudier spécifiquement.

 

Il est donc nécessaire – avant toute étude – de se procurer les conditions générales strictement applicables à votre contrat d’assurance.

 

Étant rappelé que, lors de la signature du contrat d’assurance ; l’assureur doit vous remettre au moins deux documents :

 

  • Les conditions particulières :

Il s’agit généralement de quelques feuilles A4 agrafées, décrivant le risque et les capitaux garantis et indiquant les références des conditions générales applicables.

 

  • Les conditions générales :

Usuellement un livret d’une centaine de pages décrivant les modalités des garanties souscrites, vos obligations et la vie du contrat.

 

Les références sont généralement inscrites en petit caractère dans la deuxième page de couverture ou encore sur la dernière page de couverture du livret.

 

Les conditions générales – à peine d’inopposabilité – sont donc obligatoirement nommées par une référence dans les conditions particulières.

 

Il convient le cas échéant, si ce document venait à manquer — de demander à votre assureur la communication de vos conditions générales sous format numérique PDF.

II. Diversité des contrats

A. Les Contrats « Tous risques sauf » & les contrats « à risques dénommés »

 

1 Les contrats « Tous risques sauf »

 

Les contrats « tous risques sauf » sont des contrats d’obédience anglo-saxonne que l’on rencontre bien souvent dans les risques spécifiques tels que les activités de bijouterie ou industrielles.

 

Ces contrats garantissent « tous les évènements » sauf ce qui est exclu.

 

Ces polices d’assurance partent du principe que tous les risques sont couverts, hormis ceux expressément exclus de la garantie

 

S’agissant du risque lié au coronavirus, il convient donc de lire les exclusions pour s’assurer si le risque pandémique est formellement exclu.

 

À défaut, il est en principe par nature garanti. 

 

 

2. Les contrats multirisques dits « à périls ou à risques dénommés »

 

Les contrats de type « Périls dénommés » sont les contrats d’adhésion multirisques les plus courants en France.

 

Ils comportent la liste de tous les évènements garantis.

 

Si les évènements ne sont pas garantis, ils sont exclus ;

 

C’est donc le raisonnement inverse d’un contrat « tous risques sauf ».

 

Dans ces contrats multirisques, si un évènement est garanti dans une catégorie générique ; il convient cependant de s’assurer que le cas spécifique à l’origine des pertes – tel que la pandémie – n’est pas, par ailleurs, visé dans une clause d’exclusion.

 

La liberté contractuelle régissant la matière et la réforme permanente des contrats par les assureurs aboutissent à une grande diversité de situations.

 

Situations que nous pouvons regrouper en deux familles afin d’offrir une meilleure lisibilité.

 

Il existe en effet, deux types de prise en charge en matière de pertes d’exploitation.

 

  • Les pertes d’exploitation consécutives à un dommage matériel garanti
  • Les pertes d’exploitation sans dommage matériel

 

a. Les pertes d’exploitation consécutives à un dommage matériel garanti

 

 

La plupart des contrats d’assurance subordonnent la prise en charge des pertes d’exploitation à un évènement garanti tel que l’incendie, le dégât des eaux, le vol, la catastrophe naturelle…

 

Il n’existe donc pas de prise en charge des pertes d’exploitation indépendamment de ces évènements.

 

De tels contrats ne permettent donc pas la mobilisation de la garantie pertes d’exploitation pour l’évènement COVID 19.

 

En effet, la fermeture est consécutive à une demande de l’administration – donc un évènement extérieur – qu’on ne peut assimiler à un dommage garanti exposé à l’intérieur de l’entreprise.

 

 

b. Les pertes d’exploitation sans dommage matériel 

 

 

Certains contrats d’assurance offrent plus rarement – en complément de la garantie usuelle d’indemnisation après dommage – la prise en charge d’une perte d’exploitation sans que le commerce ait subi un dommage matériel direct.

 

Cela dans des cas strictement énumérés par le contrat et dans la limite des clauses d’exclusion également décrites dans les conditions générales.

 

Parmi ces cas, nous retrouvons bien souvent la garantie des pertes de chiffre d’affaires consécutives à une fermeture administrative du local assuré.

 

Il existe cependant une grande diversité dans la rédaction de ces clauses de fermeture administrative qu’il convient d’étudier attentivement tout comme l’ensemble des conditions générales.

 

En effet, il n’est pas rare de retrouver « perdue » dans une autre section du contrat l’exclusion de garantie pour les épidémies ou les pandémies.

 

Exclusions qui, pour être opposables, devront bien évidemment à peine de nullité – ainsi que le requiert le code des assurances – être typographiées en caractère très apparent.

III. Les réponses des assureurs

A. La mutualisation des risques

 

Une partie significative de la communauté des assureurs oppose l’argumentation selon laquelle le risque pandémique serait de fait non couvert, car celui-ci est tel qu’il ne permettrait pas sa mutualisation.

 

Or, selon la thèse développée, le principe même de l’assurance serait la mutualisation du risque.

 

Nous ne sommes pas convaincus par l’argumentation.

 

D’une part, des contrats d’assurance stipulent la prise en charge des pertes d’exploitation après pandémie.

 

D’autre part, certains assureurs acceptent d’offrir à postériori une indemnisation forfaitaire suite à cet évènement.

 

Ce qui, de notre point de vue, fait échec au raisonnement.

 

Enfin, on relève parfois qu’une même compagnie propose alternativement selon le modèle de ses conditions générales

 

  • Soit la prise en charge des pertes d’exploitation exclusivement après dommages
  • Soit une prise en charge des pertes d’exploitation étendue à des fermetures administratives.

 

Ce qui démontre bien une mutualisation du risque à travers la diversité de l’offre d’un même assureur.

 

Très concrètement, si la prise en charge après fermeture administrative est prévue par le contrat et que le risque pandémique ne fait pas l’objet d’une exclusion ; nous ne voyons pas comment ni pourquoi, l’assureur – qui aurait perçu des primes pour ces garanties – pourrait exclure a posteriori la prise en charge de ces pertes.

 

Le principe de mutualisation d’un risque tel que la pandémie – à la différence du risque de guerre (article L 121-8 du code des assurances) – n’étant par ailleurs même pas cité dans les textes de loi.

 

Enfin, relevons que la Cour de Justice de l’Union européenne ne considère pas qu’un contrat d’assurance soit nécessairement qualifié par le critère de la mutualisation des risques.

 

Dans tous les cas, au vu des contentieux qui s’annoncent – et compte tenu des enjeux économiques pour les assureurs estimés à plusieurs milliards d’euros, et en l’absence d’une convention de réassurance – ce débat sera nécessairement présenté et tranché par les tribunaux.

 

B. Les cas d’espèce rencontrés

 

La lecture de nombreux dossiers qui nous sont soumis ainsi que des premières réponses des assureurs nous permettent de dresser un premier constat ; bien évidemment non exhaustif.

 

1. Des contrats dont la rédaction exclut tout débat

 

La rédaction de certains contrats est sans appel.

 

Soit qu’ils ne garantissent pas les pertes d’exploitation sans dommage ; ou encore qu’ils garantissent les pertes d’exploitation pour des causes extérieures, mais excluent formellement le risque épidémique ou pandémique dans des conditions de formes et de fonds opposables.

 

Ces contrats ne permettent pas une indemnisation des pertes à la suite de la fermeture liée au coronavirus.

 

2. Des contrats couvrant les pertes sans dommage. direct et dont le risque pandémique n’est pas exclu.

 

Nous relevons quelques contrats dont les pertes d’exploitation suite au COVID 19 pourraient s’appliquer.

 

Cependant, la quasi-totalité des assureurs concernés « découvre » cette garantie oubliée ou fortuite dans leurs contrats et tente par divers arguments de s’opposer à l’application de celle-ci.

 

Ils échoueront sans doute devant les tribunaux, car différents critères jurisprudentiels et législatifs ne permettent pas de « s’évader » de ce qui est contractuellement prévu ou en tout cas non clairement exclu.

 

Dans tous les cas, il appartiendra au juge d’interpréter la clause et celui-ci devra, dans tous les cas, offrir le bénéfice de la clause floue à l’assuré ou aller dans le sens de ce qui produit une garantie plutôt que de l’exclure ou encore d’envisager si la clause d’exclusion est formelle et limitée au sens de l’article L113-1 du code des assurances et, qui plus est, ne vide pas la garantie de sa substance ainsi que l’exige la jurisprudence de la Cour de cassation.

 

À cette fin, il convient de rappeler notamment les articles suivants :

 

Art. 1188 du Code civil:

 

Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.

 

Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

 

Art. 1189 du Code civil:

 

Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier.

 

Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci.

 

Art. 1190 du Code civil:

 

Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé.

 

Art. 1191 du Code civil:

 

Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun.

 

Art. 1192 du Code civil: 

 

On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation

 

Art. L 113-1 du code. des assurances:

 

Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

 

Parmi ces premières contestations, nous relevons :

 

Un refus de prise en charge par l’assureur d’une garantie prévue en cas de fermeture administrative au motif que celle-ci ne serait valable que dans le cas d’un dommage direct ; alors que le contrat ne prévoit pas clairement dans cette clause cette obligation.

 

L’existence d’une prise en charge du risque fermeture administrative alors que par ailleurs des clauses d’exclusions sont telles qu’elles rendent totalement inapplicable la garantie souscrite

 

Une garantie des pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative, sans exclusion du risque pandémique, dont l’assureur refuse l’application au motif du défaut de mutualisation.

 

C. Les offres alternatives pour compenser la perte de chiffre d’affaires

 

 

Les gestes commerciaux des assureurs

 

En marge du contrat d’assurance, certains acteurs de l’assurance proposent une aide forfaitaire à leurs assurés.

 

Cette libéralité – si tel est le cas – est forcément soumise à l’appréciation de l’assureur qui décidera quels assurés peuvent en disposer.

 

Nous constatons cependant que certains acteurs, à l’origine de ces libéralités pourraient être en situation contractuelle de devoir une perte d’exploitation liée au risque pandémique.

 

Si bien qu’accepter cette indemnité forfaitaire pour solde de tout compte pourrait valoir renoncement à l’indemnisation plus conséquente d’une garantie perte d’exploitation pleine et entière.

 

Dans tous les cas, ce type d’acceptation de substitution d’une garantie moindre immédiate et forfaitaire plutôt qu’une indemnité contractuelle plus conséquente doit obligatoirement être porté à la connaissance de l’assuré.

 

À défaut, l’accord pourrait être éventuellement annulé pour vice du consentement.

 

 

Des aides du gouvernement à destination des professionnels

 

Le 29 avril 2020, le ministre de la Santé et de la Solidarité a annoncé par circulaire des aides destinées à compenser les charges de fonctionnement des professionnels de la santé.

 

Sans doute, d’autres aides sectorielles pourraient être circularisées et faire l’objet d’une allocation à destination des entreprises ?

 

Entre temps, force est de constater que les charges fixes – à l’exception des salaires pris en charge au titre du chômage technique – sont à supporter par les entrepreneurs.

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